Avec sa guitare [ Libre ]

Requiem se promenait dans l'aile abandonnée de l'école. Un lieu chargé de magie. Il était venu ici afin de diner en paix. Le masque de "type sympa" était fatiguant à porter constament et de temps à autres il s'effritait. Dans ces moments il valait mieux s'isoler afin de se refaire un moral d'acier.

Il avait son bento, sa boîte à casse croûte, avec lui lorsqu'il entendit un air de guitare mélancolique, il reconnu immédiatement le musicien ou plutôt la musicienne. C'était à n'en pas douter Naïru la fille au violon, la même façon d'attaquer les accords majeurs et la même candeur dans la manière d'exprimer sa passion.
Il ne pu s'empècher de s'approcher, la curiosité étant plus forte que la faim. Elle jura quelque chose contre un ennemi invisible.
Il laissa passer un instant, par politesse, pour ne pas montrer qu'il avait entendu ses précédentes paroles.

"Naïru? Quelle agréable surprise! Moi qui croyais que cette salle était complètement à l'abandon." Il mentait comme un aracheur de dents. Les traces de pas dans la poussière démontraient qu'au contraire ces lieux étaient très fréquentés. Mais Requiem avait remarqué que les élèves venaient plutôt en dehors des heures de cours le soir ou le matin très tôt. A midi c'était plutôt désert.

"Ca ne vous dérange pas si je m'installe ici pour manger?"
"Avez-vous déjà déjeuné? J'en ai fait pour tout un régiment." il exiba le contenu de son bento: boulettes de viande hacheé aux épices et riz parfumé, ainsi que plusieurs rouleaux de printemps végétariens (soja, salade et herbes aromatiques).

"La nourriture a meilleur goût lorsqu'on la partage!"

Requiem disposa la boîte à casse croûte entre eux deux, il donna une paire de baguette à Naïru. Il allait se débrouiller avec un canif multifonction, il y avait une petite cuillère parmis les possibilités qu'offait l'outil.

"Bon Appétit!"

"Pour répondre à votre question, je cherchais un endroit tranquille où je pourrais manger en paix. Il y a des jours où s'isoler est nécessaire pour se ressourcer!"

Nairu remercia Requiem pour ce repas et aussi pour les baguettes. Elle prit ensuite ses baguettes, les tenant assez maladroitement. C'est vrai qu'elle avait toujours eu un peu de mal avec cela !

- Je suis vraiment désolée, je ne vous cause que des ennuis ! D'abord je vous blesse en vous donnant un coup de sac, et maintenant je mange votre repas alors que vous vouliez être tranquil ...

Nairu se mit à rire avant de gouter une boulette et un peu de riz.

- Je vous remercie encore une fois ! Vous êtes très gentil, et surement la première personne ici qui fait un peu attention à moi !

"Mais il n'y a aucun problème je vous assure. Puis la blessure est déjà en voie de guérison, regardez!" Il se pencha en avant pour montrer son arcade sourcilière.

Puis ce fut plus fort que lui:

"Par contre j'espère que vous n'avez rien contre la viande humaine?"

Voyant que la jeune fille devenait blanche comme un linge, il ajouta rapidement.

"Mais non je plaisante! Ces boulettes sont au porc, mon fournisseur habituel de cadavre congelé est en grève à cause de son syndic' qui a augmenté ses tarifs."

Des fois la vérité toute nue passait facilement pour une plaisanterie... Tant qu'on riait en débitant son discour.

"J'espère que je ne vous ai pas coupé l'appétit?"

La plaisanterie était trop tentante, il était vraiment temps de prendre un peu de repos. Le masque du "type normal" tombait en miette à la vitesse du son.

- Euh non ...

Quel humour ... Nairu recommençait à le trouver étrange, pourtant quelques temps auparavant il était sympa, comme la plupart des pensionnaires ici, c'était un type plus que mystérieux !

- Je ne connais pas grand chose sur vous, vous venez d'où ?

Nairu posa ses baguettes, elle avait finis de manger. Elle n'était pas très rassurée par la véritable contenance de la nourriture. Elle recommençait à se faire des films ... Peut être était ce empoisonné ou quelque chose comme cela ?

*Arrête de voir le mal partout -_-*

"Vous ne goûtez pas les rouleaux de printemps? Je les ai fait avec du soja, de la laitue, un peu de ciboulette, de coriandre et des vermicelles au riz pour donner du corps."

Puis il trempa le rouleau dans la sauce à la cacahuette et mordit dedans avec gourmandise, prenant bien soin de faire craquer les légumes frais sous ses dents, afin de montrer que les produits étaient on ne peux plus frais.

"Mmmmm! Succulent!..."

Avec sa serviette, il s'essuya le coin de la bouche où il restait un peu de sauce.

"Goûtez donc Naïru et je vous raconte ma vie trépidante."

"Content et touché que ma cuisine vous plaise!

Chose promise chose due, je vais vous raconter ma vie puisque tel est votre désire."

Requiem avait préparé une telle éventualité depuis longtemps. Il avait une méthode pour ça: le mensonge par omission. On était beaucoup plus crédible lorsqu'on débitait une demi-vérité que lorsqu'on sortait un demi-mensonge.
Il fallait donc raconter la réalité mais en omettant les parties choquantes pour le commun des mortels. Faire une version édulcorée et politiquement correcte.

Il s'éclaicit la gorge comme s'il se préparait à un meeting devant une centaine de personnes.

"Je suis issu d'une famille fortunée, je vais certainement hériter du manoir famillial. La seule condition étant que j'obtienne mon diplôme de chirurgie. Mon père ne veux pas que je compte sur la fortune familliale pour m'en sortir dans la vie.
J'ai été formé à gérer les affaires politiques de la maison. Du coup j'ai quelque connaissances en droit légal et économique, en géopolitique ainsi qu'en diplomatie... Des bricoles pour succéder à mon père."

"Bon et vous alors? Naïru chan... J'aimerais en savoir plus sur vous."

La jeune fille semblait éprouver beaucoup d'émotion après avoir parlé de sa mère.
Cependant aucune colère venant d'elle. Rien d'exploitable. Naïru était pure comme l'agneau qui vient de naître. Sauf qu'elle n'était recouverte ni de morceaux de placenta ni de liquide amniotique, ce qui lui donnait bien meilleur apparence que le dit agneau.
Requiem était désorienté devant l'étudiante. D'habitude il exploitait la noirceur de l'âme humaine, la retournant la haine des gens contre eux même pour mieux les détruire.
Il du se rendre à l'évidence. Il n'avait aucune prise sur elle.

Il était vaincu.

Requiem avait alors deux solutions, soit la tuer, soit...

...

Sans rien dire il s'approcha de Naïru puis l'attira vers lui afin qu'elle puisse pleurer sur son épaule.
Dans sa réflexion sur la nature immaculée de la jeune fille, il avait oublié que quelques jours plus tôt il s'était fait poignarder à cet endroit même. Lorsque la tête de la jeune fille heurta son épaule meurtrie. Il ne put empêcher une grosse larme de douleur de rouler sur sa joue...

"Merci à toi!"

Ne pu s'empêcher de dire Requiem lorsque Naïru quitta son épaule douloureuse pour venir se blottir plus près...
Puis Requiem se sentit coupable d'avoir raconté autant de mensonge... Il ne pouvait plus mentir à la jeune fille.

"Naïru... Je dois te confesser que j'ai menti à propos de ma soeur... Elle est toujours vivante. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça... Sans doute pour t'impressionner..."

Maintenant il s'attendait à ce que Naïru le méprise et s'éloigne de lui... *Ca ne serait que justice, je suis un monstre, je ne mérite pas la confiance de cette jeune fille si pure!*

"Oui"

Voyant que la jeune fille ouvrait les yeux comme des soucoupes il s'empressa d'ajouter avec un sourire malicieux:

"Tu m'as demandé de ne plus te mentir!"

On allait bien voir ce que ça allait donner. En général ce genre de fille pure ne comprenait pas le second degré. Avait-elle de l'humour à revendre?

"Biensûr que tu n'es pas idiote!"

"Si tu l'avais été tu aurais sorti un couteau pour me poignarder. En général c'est ce que font les gens lorsqu'ils me voient pour la première fois. Je dois avoir un mauvais karma?"

Le sourire du jeune homme perdit toute trace de moquerie pour s'adoucir.

*Etrange ce besoin de se confier tout d'un coup...*

On aurait dit que les défense de Requiem tombaient une à une. Que sa carapace s'effritait et que le contrôle qu'il essayait d'avoir en toute chose tombait en miette.
Cette fille était étonnante. Il allait la laisser vivre, ne serait-ce que parce qu'il avait tant de choses à explorer avec elle. Requiem avait éprouvé plus de sentiments nouveaux en une demi-heure de discussion que dans les six dernières années de sa vie.

- Non tu n'as pas un mauvais Karma ... Les gens idiots s'arrêtent à l'apprence... Et puis c'est vrai que dans certaines paroles tu es assez surprenant !

Nairu se mit à rire. C'était comme ci elle pouvait se confier à lui, pleurer, rire, que tout lui était permit en sa compagnie. C'était assez étrange, elle qui d'habitude se gardait bien de montrer ses sentiments à qui que ce soit !

* Pourquoi a t'il parlé de poignard ?*

- On t'a menacé avec un poignard ?

Requiem allait répondre par l'affirmative... Mais quelque chose l'en empêcha...

"Non c'est une métaphore biensûr, tu sais lorsqu'on dit lancer des poignards avec le regard... Personne n'a essayé de me tuer."

Il sourit...

Le jeune homme voulait tellement lui dire la vérité. Lui parler de sa solitude, de son univers. Mais elle aurait pris peur...
*Plus tard...* se promis le tueur... Plus tard je lui dirai tout sur moi.

En attendant un autre réflexe de survie avait pris le dessus... Il ne fallait pas terminer la conversation sur cette histoire de poignard, sinon elle risquait de s'en souvenir plus qu'il ne l'aurait souhaité. Il fallait changer de sujet, et vite.

"Parlons un peu de toi! Qu'est ce qui t'a donné envie de faire de la musique? A moins que c'est quelque chose que tu fais depuis toujours? Un peu comme Mozart, et ces autres virtuoses."*Ou un peu comme moi avec l'art de retirer la vie*